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Publié par Ophaniel, le 10 janvier 2020 - 12:28
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dans Made in fan (11 réponses)
Publié par Heretoc, le 24 octobre 2019 - 18:12





[NÉOGICIA] Une teinte terne et métallique
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Je déduisis de ces propos qu’il s’agissait de la mère de Darren. Et qu’elle avait cherché à assassiner Keynn qu’elle tenait apparemment pour responsable de la disparition de son enfant. Je ne m’étais pas intéressé à la peine encourue pour tentative de régicide. Probablement la mort. Même si la personne ignorait qu’il s’agissait de son suzerain. – Je ne t’appartiens pas, déclara Darren. – Ne t’inquiète pas mon tout petit, continua la femme comme si Darren n’avait rien dit. Je te protégerai cette fois. Plus personne ne t’enlèvera à moi. Maman ne laissera plus personne te faire de mal. – J’avais besoin de toi avant. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. – Non mon bébé… gémit la femme. Je vais te débarrasser du méchant monsieur, tu vas voir. – Tu ne lui feras pas de mal, décréta Darren. Rentre chez toi. – Oui, rentrons à la maison mon cœur, approuva la vieille folle. Darren ôta le poignard du mur. Il n’allait quand même pas tuer sa propre mère ?! – Darren, l’interpela Keynn en se levant. Visiblement, je n’étais pas la seule à craindre l’issue de cette entrevue. Keynn fit reculer Darren et, lorsque la femme se jeta sur lui, l’Empereur la maîtrisa physiquement, la plaquant au mur. Elle se mit à hurler. – Mon fils ! Rendez-moi mon enfant ! Je ne vous laisserais pas lui faire du mal ! C’est mon enfant ! Keynn la laissa s’égosiller, attendant qu’elle s’épuisât et qu’il ne resta plus entre ses mains qu’un corps secoué de pleurs. – Mon bébé, sanglota-t-elle. – Vous êtes la mère de Darren, reconnut Keynn. Et l’important pour une mère c’est le bonheur de son enfant, n’est-ce pas ? Qu’il soit en bonne santé et qu’il soit heureux. Elle acquiesça silencieusement. – Alors laissez-le partir, poursuivit Keynn. Elle commença à faire non de la tête. – Vous savez qu’il n’a plus sa place dans ce village, ajouta Keynn. Sa vie est ailleurs désormais. – C’est mon bébé… gémit-elle. – Et rien ne le changera jamais, affirma Keynn. Mais vous devez lui laisser faire ce choix. Vous savez désormais qu’il est toujours vivant et vous pouvez garder la certitude qu’il continue de vivre et qu’il est aimé et protégé. Matylda, pour le bien de Darren, ne l’obligez pas à rester. Rendez-lui sa liberté. Après quoi, Keynn la relâcha et recula lentement, probablement pour jauger sa réaction et prévenir tout éclat de violence. Il encouragea ensuite Darren à s’approcher de sa mère d’une main derrière le dos. La femme serra aussitôt son fils dans ses bras en pleurant à chaudes larmes. Même dans l’obscurité, je remarquai la raideur de Darren à ce contact ainsi que ses gestes mécaniques pour rendre un semblant d’étreinte. Après ce qui me parut une éternité de pleurs et de mots baragouinés, la femme relâcha finalement Darren et, gardant le contact le plus longtemps possible jusqu’au bout de ses doigts, elle partit. L’atmosphère oppressante se dissipant finalement, je pus de nouveau respirer. Jusqu’à ce que je notasse le couteau encore présent dans la main de Darren. Keynn invita Darren à se recoucher avec lui, offrant du réconfort à l’adolescent d’un bras protecteur et de mots chuchotés trop bas pour que je puisse les saisir. Ou alors Darren dormait avec Keynn en tant que protection rapprochée au cas où sa mère déciderait de revenir plus tard. Non. Là je devenais paranoïaque. Pour autant que je le susse, le reste de la nuit se déroula paisiblement. Je me réveillai comme la veille au bruit du village. Les autres étaient déjà réveillés. À part le mage. Quelqu’un avait-il vérifié qu’il était encore en vie au moins ? – Bonjour, salua Myrria un panier plein de victuailles au bras. Excellent timing. – Alors j’ai réfléchi pendant la nuit, commença-t-elle. – Et ? se méfia Darren. Vu l’idée que sa mère avait eu la nuit dernière, il y avait toutes les raisons du monde de se défier de ce que sa sœur avait concocté. Je notai d’ailleurs que, tandis que le griffon avait disparu, le couteau était toujours à portée de main de l’adolescent. – Je vais vous accompagner à Centralis et je me ferai injecter, annonça Myrria. Comme ça je deviendrai néogicienne et je pourrai rester avec Darren. N’est-ce pas ? Elle s’était tournée vers Keynn pour confirmation. – Darren n’a pas besoin de toi, il m’a moi maintenant, intervins-je. Le sourire de Myrria vacilla un instant. – Et je te remercie de t’occuper de lui, déclara-t-elle. Fayrrioh étouffa un rire. Je lui lançai un regard noir. – Myrria, je vais actuellement dans une école qui est un internat, expliqua Darren. Même si tu te fais injecter et viens à Centralis, nous ne vivrons pas ensemble. – Et il passe ses vacances avec moi, appuyai-je. – Et tu as ta vie ici, conclut Darren. Tu ne peux pas tout abandonner sur un coup de tête. – Bien sûr que si ! protesta-t-elle. Je peux… – Et Sthæno ? la coupa Darren. Elle rougit. – Comment tu… ? fit-elle embarrassée. – Ce n’est guère compliqué à deviner, répondit Darren posément. Vous allez bientôt vous marier. Elle hocha la tête. – Mais ce n’est pas grave, reprit-elle passionnée. Je peux… Je veux être là pour toi Darren. Sthæno comprendra. – Je n’ai pas besoin que tu t’occupes de moi, la contra Darren. Je sais prendre soin de moi et j’ai d’autres gens sur qui compter. Vis ta vie Myrria. La jeune femme hésita un instant, ouvrant et fermant la bouche sans pour autant réussir à commencer une phrase. – Quand tu partiras, finit-elle par dire, tu ne reviendras plus jamais ici ? – Ma présence ici n’est pas intentionnelle, répondit Darren. Je ne souhaitais pas y revenir et ma volonté à ce sujet n’a pas changé. – Je comprends. Puis elle décida que dans ce cas, elle passerait tout son temps avec son frère pour profiter de lui tant qu’elle le pouvait. Ce fut ainsi que Darren se trouva entraîné à l’extérieur, nous abandonnant lâchement au milieu du bétail. Un peu avant midi, Keynn décida de faire un tour dans le village et me proposa de l’accompagner. J’acceptai aussitôt. Je n’en pouvais plus de rester cloîtrer ainsi sans rien faire. Et en même temps je n’avais pas osé sortir seule dans ce lieu inconnu. Fayrrioh resta dans l’étable à reposer sa jambe et à veiller sur le mage. Je m’aperçus rapidement que cette balade était en réalité une opportunité d’apprendre. Pour moi comme pour Keynn. En effet, ce dernier se mêlait aux habitants, s’intéressait à ce qu’ils faisaient et à leurs conditions de vie. Les villageois ignoraient qu’ils hébergeaient leur Empereur, néanmoins leur Empereur ne les oubliait pas. Nous récupérâmes Darren pour le déjeuner et retournâmes auprès de Fayrrioh. Apparemment le teknögrade s’était ennuyé en notre absence. – Gamin, il y a un truc qui me travaille depuis un moment déjà, déclara Fayrrioh. Comment as-tu su pour l’attaque ? Pour que tu arrives à temps sur Keynn, vu la distance à parcourir, il a été nécessaire que tu partes avant même que cet archer ne décoche son tir. Même Keynn n’a rien vu venir et il était aux premières loges. – J’ai été prévenu, répondit évasivement Darren en jetant un coup d’œil interrogateur à Keynn. – Qu’est-ce que tu racontes, intervins-je. Nous étions en pleine discussion et tu t’es interrompu brutalement au milieu d’une phrase avant de détaler. – Tu étais au courant qu’il y allait avoir une attaque et tu n’as prévenu personne ? s’étonna le teknögrade. – Il t’a contacté en dehors de Centralis, fut le commentaire pensif de Keynn. Darren n’ajouta rien de plus, attendant visiblement l’aval de Keynn avant d’en dévoiler davantage. – Quoi ? Il faut que j’aille faire un tour dehors ? réalisai-je. Pour proche que je fusse de Keynn Lucans, je n’en avais pas pour autant l’habilitation d’un teknögrade de rang un. – Et puis si Darren est au courant, je peux bien l’être aussi, protestai-je dans un vain espoir. – Détrompe-toi, me corrigea Keynn. Risdam n’est pas au courant de l’affaire non plus. Un secret que même un teknögrade ne connaissait pas ? – Comme vous le savez, Darren est de naissance olydrienne et a donc reçu l’injection du sérum N01. Ce que vous savez moins, c’est que lors de certaines injections, nous avons commencé à relever le développement de certains dons psychique, commença à expliquer Keynn. – Des dons psychiques ? l’interrompis-je ne comprenant pas ces termes. – Des facultés développées par l’esprit, comme la possibilité de communiquer ou de déplacer des objets par la pensée, développa Keynn. – C’est incroyable… m’émerveillai-je. Et Darren peut faire ça ? – De ce dont nous avons pu apercevoir au fil des années, Darren est réceptif à la télépathie. C’est la possibilité de communiquer entre deux esprits. Et, à vrai dire, il n’a été en contact qu’avec une seule et même personne, mon père, Sirius Lucans. – Darren communique avec les morts ?! m’ébahis-je. – Un autre point important, ajouta Keynn, c’est que, contrairement à ce qui est connu du public, mon père n’est pas tout à fait mort. – Comment ça pas tout à fait mort ? fis-je ne comprenant pas. Keynn expliqua alors brièvement les travaux de son père sur le psychisme qui l’avait poussé à abandonner son enveloppe physique. – À vrai dire, j’avais perdu tout espoir de communiquer avec lui jusqu’à ce que Darren arrive, révéla Keynn. Malheureusement, ce n’est pas un processus très fluide et qui ne fonctionne que dans un seul sens. Darren ? – Sirius ne me parle pas véritablement, expliqua le concerné. C’est plutôt des impressions qu’il laisse, des impulsions que je suis libre de suivre ou de refuser. Pour l’attaque, il m’a envoyé un signal danger et stimulé une forte envie de plaquer Keynn au sol. Dans d’autres cas, il peut me guider, m’indiquer le chemin à suivre si je fais particulièrement attention. C’est un peu comme un sixième sens. Cependant, comme l’a dit Keynn, il n’y a rien de sûr et c’est très aléatoire. |
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– C’est quand même dingue… fis-je subjuguée. – Je rejoins Kiruna sur son avis, m’appuya Fayrrioh. – Je ne pensais pas que mon père avait une influence en-dehors de Centralis en revanche, commenta Keynn. Je me demande quelle est sa limite ? Darren fut encore avec sa sœur tout l’après-midi. De mon côté, je finis par oser me promener seule dans l’enceinte du village. Je ne le revis que vers le crépuscule, descendant d’un arbre. – Que faisais-tu dans l’arbre ? l’interrogeai-je surprise. – J’observais ce qui avait changé, répondit-il. – Dans l’arbre ? fis-je sceptique. – J’y passais beaucoup de temps, expliqua-t-il. – Dans l’arbre ? répétai-je. – Oui. Un garçon bizarre. Pas besoin d’autre explication. Surtout ne pas insister. – Pourquoi avoir dit à Myrria que je passais mes vacances avec toi ? m’interrogea à son tour Darren. – Parce qu’à partir de maintenant c’est le cas, affirmai-je. Tu vas venir vivre chez moi. – Je n’ai pas souvenir d’avoir accepté ni même entendu un tel plan, répondit Darren. – Et bien voilà, tu l’as entendu, fis-je. Sérieusement, tu ne vas pas refuser une telle proposition ? Je sais bien qu’on n’est pas toujours du même avis. Mais je ne vais pas te laisser tout seul et à la rue. Tu peux compter sur moi maintenant. – Je ne suis ni seul, ni à la rue, m’opposa Darren. Merci pour la proposition mais j’ai d’autres plans pour occuper mon temps hors périodes scolaires. – Quoi, tu vas aller avec ces cinquièmes années pour être leur bonniche ? m’exaspérai-je. – J’ignore pourquoi tu t’entêtes avec eux, répondit Darren. Ils ne sont pas tels que tu te les imagines. Mais non, ce n’est pas avec eux. – Oh, s’il-te-plait, ne me prends pas pour une idiote, sifflai-je. Je t’ai vu partir certains soirs avec eux, soi-disant pour boire un verre, mais bizarrement, tu ne revenais que plusieurs jours plus tard, manquant même des cours. En plus, quand tu revenais finalement, tu étais parfois encore amoché. Alors ne vient pas me dire qu’ils ne te font aucun mal. – L’événement et la conséquence que tu as observés ne sont pas liés, exposa Darren. – Cela ne peut pas continuer comme ça, m’énervai-je. Non seulement tu te fais molesté mais en plus cela mais en péril ton apprentissage. Je vais prévenir Keynn. – Il est déjà au courant, déclara Darren. – Et il ne fait rien ? fis-je pas le moins du monde convaincue. – Il n’a rien besoin de faire. À mon avis, Darren n’avait tout simplement rien dit. Cependant, je n’avais pas l’intention de lâcher l’affaire. Je ne savais pas ce que ces étudiants avaient contre Darren, mais je le protégerai même contre sa volonté. J’étais maintenant sa grande sœur après tout. Nous rentrâmes à l’étable pour constater que le mage s’était finalement réveillé. Il était affamé, assoiffé et courbaturé. Par ailleurs, Fayrrioh estimant que sa jambe était suffisamment guérie, Keynn décida d’un départ demain à l’aube. – Un griffon, chuchota le mage pour nous prévenir. – Ben oui. Et ? demandai-je. – T’inquiète pas Urgëll, c’est la bestiole du gamin, expliqua Fayrrioh. J’avais oublié qu’il n’était conscient que depuis peu et qu’il n’avait donc jamais eu l’occasion de rencontrer la créature. Cette dernière passa encore la nuit collée à Darren. À la place de l’adolescent, je me serais inquiété que le griffon roulât sur moi et m’écrasât dans mon sommeil. Surtout vu le poids, il y avait de quoi l’écrabouiller. Je me serais presque attendue à retrouver un Darren tout plat à mon réveil. Le lendemain, tous les blessés avaient suffisamment récupéré pour partir. Keynn n’avait plus de vertiges, Fayrrioh ne sentait plus qu’un léger tiraillement qui diminuerait sa vitesse mais ne l’empêcherait pas de se déplacer, et le mage était courbaturé mais surtout ne pouvait pas faire appel à la magie comme il le souhaitait. Je n’étais pas inquiète pour notre sécurité. Nous avions quand même un teknögrade de rang un dans notre groupe. Une protection largement suffisante pour les quelques dangers présentés par la faune locale. D’autant plus lorsque Darren et surtout son griffon, nous rejoignirent peu de temps après avoir quitté le village. En effet, Darren avait préféré s’éclipser avant l’aube. Pour ne pas avoir à faire ses adieux, je supposai. Le duo ne resta pas longtemps au sol. À peine le temps d’échanger quelques propos qu’ils s’étaient de nouveau envolés. Cela aurait été tellement plus rapide si nous avions tous eu des montures… Mais le village n’en possédait pas, et Darren n’était pas capable d’en attraper comme cela. – Dites, fit le mage, je ne sais pas vous mais moi je ne suis pas au mieux de ma forme. Ce ne serait pas plus prudent que Darren reste avec nous dans ces conditions ? Ils pouvaient bien le laisser s’amuser un peu quand même ! – T’inquiète pas, répondit Fayrrioh. De là-haut il peut voir les dangers en avance et assurer notre couverture aérienne. |
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Scène bonus #10 Après un dernier scan pour confirmer son identité, la porte du bureau de Keynn Lucans s’ouvrit devant Darren. C’était loin d’être la première visite du jeune homme en ce lieu de pouvoir et il n’accorda pas la moindre importance à la vue imprenable de Centralis visible par l’immense baie vitrée, ni au rayon de rosaphir qui s’élevait du sommet pour former le dôme protecteur de la capitale de l’Empire. Il n’était pas non plus surpris que son suzerain ne fût pas seul dans son office. En revanche, il se sentit quelque peu perplexe devant le comportement de la visiteuse dont il ignorait par ailleurs l’identité. Cette dernière était une jeune fille de seize ou dix-sept ans, habillée, maquillée et coiffée avec une élégance irréelle qui ne pouvait néanmoins rattraper son attitude boudeuse et capricieuse qui lui donnait dix ans de moins. Elle était clairement en train de piquer une crise. L’adolescente cessa aussitôt sa représentation théâtrale en constatant l’arrivée d’un nouveau spectateur. – Darren, se réjouit Keynn qui affichait précédemment un simple sourire indulgent. – Qui c’est ? exigea la jeune fille d’un sifflement entre les dents. Elle lançait un regard mauvais en direction de Darren qui avait du mal à comprendre cette hostilité et affichait soigneusement un visage neutre. – Kiruna, je te présente Darren, expliqua Keynn. Comme toi, il a malheureusement perdu ses parents. Darren nota avec attention la formulation de Keynn qui laissait entrevoir que la similitude ne comprenait pas un entraînement spécial et un rang de teknögrade du côté de la jeune fille. Et qu’elle ne devait pas être au courant de la position de Darren. – Qu’est-ce qu’il fait là ? cracha Kiruna. – Allons, ce n’est pas la peine d’être aussi agressive, tenta de l’adoucir Keynn. Comme vous êtes tous les deux dans un cas particulier, j’ai pensé que vous pourriez apprendre à vous connaître et vous rapprocher. – Quoi ? lâcha Kiruna comme si on lui apprenait que son flamilynx était mort. Même Darren eut une fugace expression sceptique devant la proposition de Keynn. – Je n’étais pas venu pour ça, annonça le jeune homme à tout hasard. – Je m’en doute bien Darren, lui assura Keynn sans se départir de son sourire. Mais je n’ai jamais eu l’occasion de vous présenter l’un à l’autre. Il serait bien dommage de ne pas profiter de cette opportunité puisque vous voici tous les deux réunis dans mon bureau à cet instant. – Que voulez-vous que je fasse de ça ? demanda la jeune fille avec dégoût. – Kiruna, essaie d’être gentille avec Darren, intervint Keynn. Il faut juste que vous appreniez à vous connaître. – Mais vous en avez d’autres des enfants qui sortent de nulle part comme lui ? s’offensa Kiruna. Je pensais que j’étais la seule, moi. – Actuellement, Darren et toi êtes les seuls mineurs avec qui j’interagis régulièrement, déclara Keynn. Et j’aimerais bien que vous vous entendiez. – Ce n’est encore qu’un bébé, protesta Kiruna. Vous n’êtes pas sérieux ? – Darren, je vois à ton visage que quelque chose te perturbe, s’intéressa Keynn au jeune homme qui ne s’était pas encore exprimé sur le sujet. – Je suis juste perplexe que tu la laisses te manquer ainsi de respect, expliqua Darren. – Quel culot ! répliqua Kiruna. Alors que tu oses tutoyer notre Empereur ! – Elle est encore jeune, cela lui passera, l’excusa Keynn. – Keynn, je suis plus jeune qu’elle, lui rappela Darren. La porte du bureau s’ouvrit à nouveau, ôtant au suzerain la lourde tâche de répondre. Darren n’était pas dupe. Il savait que Keynn avait calculé et dirigé le timing de la fin de la conversation pour correspondre à l’arrivée du nouveau visiteur dont la présence lui avait été informée sur sa visière bien avant qu’il n’ait mis un pied à l’étage. – Monsieur Lucans, salua le dernier arrivé. Salut gamin. – Bonjour Gretz, répondirent les deux hommes. – Darren, peux-tu raccompagner Kiruna s’il-te-plaît ? sollicita Keynn. – À tes ordres, répondit automatiquement le jeune homme avant de procéder à l’analyse de la demande. – Nous dînerons tous les trois ensemble ce soir, décréta Keynn. – Quoi ?! lâcha Kiruna tandis que Darren se raidissait imperceptiblement. Dîner avec… lui. Un rire amusé sortit de la gorge de Gretz en apprenant la nouvelle. – Et bien ça promet pour ce soir… se divertit le teknögrade. T’inquiète pas gamin. Il reste encore quelques heures avant le repas. Largement de quoi trouver une crise à gérer pour que ce soit annulé. Et sinon, tu peux toujours venir dîner chez moi. – Comme tu voudras Keynn, répondit Darren même si cette idée le laissait toujours sceptique. Puis il sortit accompagné de Kiruna qui se répandait en jérémiades sans pour autant protester, comprenant qu’elle était congédiée et que le dîner était obligatoire. Elle était capricieuse, pas stupide. Elle connaissait les limites à ne pas franchir. – Je te préviens, je ne te laisserai pas me faire de l’ombre, déclara Kiruna dans l’ascenseur. Sa préférée c’est moi. – Je ne pense pas que Keynn nous garde dans son entourage pour les mêmes raisons, énonça paisiblement Darren. – Si tu crois que je ne te vois pas venir avec ton air de smourbiff des prés ! – Je ne connais pas cette expression, avoua Darren. – Oh ! Mais tu sais très bien ce que je veux dire ! s’exaspéra Kiruna. – Ce que j’ai compris, c’est que tu n’apprécies pas mon existence et tout ce qui en découle. – Exactement ! approuva Kiruna. Tu aurais mieux fait de ne jamais exister ! Si tu disparaissais, tu ne manquerais à personne ! – Tu as raison, accepta Darren. – Évidemment que j’ai rai… Hein ?! – Kiruna te voilà enfin, où étais-tu passée ? demanda une femme. Je me suis inquiétée. Tu ne répondais même pas à mes messages. – Désolée Tatie, s’excusa Kiruna pour la forme. J’étais avec… La jeune fille se retourna mais il ne restait plus une trace de Darren. Se remémorant en boucle leurs derniers échanges, Kiruna ne put s’empêcher de s’inquiéter. L’après-midi passa beaucoup trop lentement au goût de la jeune fille qui se rongeait les sangs. Elle envoya même un message à Keynn pour savoir si Darren avait un réceptron et si elle pouvait avoir son identifiant. Elle n’obtint aucune réponse. Quelques minutes plus tard, de plus en plus angoissée, elle envoya un second message indiquant sa crainte que Darren ne fît une grosse bêtise. Cette fois-ci, Keynn lui répondit de ne pas s’en faire pour Darren. Kiruna dut donc prendre son mal en patience et attendit avec inquiétude le repas du soir. Elle se présenta d’ailleurs en avance au dernier étage de l’Œil. – Kiruna, ce n’est pas souvent que tu es en avance, se réjouit Keynn en la recevant. La table était déjà dressée et des mets s’empilaient en son centre. – Darren n’est pas encore là ? s’inquiéta plutôt la jeune fille. – Non, mais il ne devrait pas tarder, l’informa Keynn. C’est vrai que tu m’as envoyé deux messages à son sujet cette après-midi. Inutile de t’en alarmer ainsi, tu as probablement mal interprété les paroles de Darren. Ah, le voici justement. – Bonsoir Keynn, Kiruna, salua le susnommé. – Et bien te voilà ! s’énerva Kiruna. – Je ne suis pas en retard, souligna Darren pris de court par la furie de la jeune fille. – J’ai crû que tu étais mort à cause de moi ! – Pardon ? fut la réaction simultanée de Darren et Keynn. – Tu as dit que tu allais te suicider ! poursuivit Kiruna. – À quel moment ? demanda Darren tandis que la tête de Keynn pivotait vers lui avec effroi. – Quand tu disais que tu aurais mieux fait de ne jamais exister ! révéla Kiruna. – C’est ce que toi tu as dit, la contredit calmement Darren. – Bien, puisque le malentendu est dissipé, passons donc à table, intervint Keynn. Ce dernier n’en jeta pas moins un long regard scrutateur à Darren promettant une discussion sur le sujet en tête-à-tête. – Je ne suis pas suicidaire, se crût obliger de souligner Darren. – J’espère bien, fit Keynn avant de laisser tomber le sujet et de s’enquérir de la journée de Kiruna. |
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Cette dernière n’eut aucunement besoin d’être persuadée à converser. Remarquant rapidement que ce n’était pas le cas de Darren, elle en profita pleinement pour accaparer l’attention. Keynn essaya d’attirer Darren dans la discussion à plusieurs reprises mais le jeune homme n’avait pas matière sur les sujets mondains en général et ce qui pouvait susciter l’intérêt d’une adolescente en particulier. Il aurait plus volontiers parlé de la guerre contre la Coalition, de la politique interne de l’Empire ou encore du dernier complot déjoué. Cependant, cela aurait probablement rapidement atteint au secret-défense auquel Kiruna était soumise et aurait totalement ennuyé cette dernière. Darren nota d’ailleurs qu’elle parlait soit d’elle-même de manière extrêmement positive, soit elle envoyait des piques dans sa direction. Il jugeait somme toute qu’aucune interaction de sa part n’était nécessaire et ne l’écoutait que distraitement tout en dînant. – … Des crépinettes de pieds de cochoboule ! se réjouissait présentement Kiruna. Mon plat préféré ! Vous êtes si attentionné… Keynn avait en effet choisi les mets de ce dîner en fonction des préférences de la jeune fille afin d’encourager une bonne ambiance. Il en aurait bien fait de même avec Darren mais le jeune homme exprimait rarement ses goûts et, en matière culinaire, il se satisfaisait de pouvoir manger à sa faim. Cela était principalement dû aux premières années de sa vie d’Olydrien où son village natal avait connu deux années de disette à la suite. – … En même temps, si nos parents ne s’étaient pas stupidement fait tués… L’assiette de Darren vola et finit sa course contre le visage de Kiruna. Cette dernière hurla, mélange de surprise, de dégoût et de colère. Darren était debout, le poing fermement serré sur son couteau qu’il se fît violence pour déposer sur la table et non lui faire emprunter la même trajectoire que son assiette. Il quitta définitivement sa place et marcha à grandes enjambées vers la sortie. – Darren ! héla Keynn en ignorant la jeune fille hystérique. L’Empereur eut tôt fait de le rejoindre, d’autant que le jeune homme, discipliné, s’était arrêté à l’appellation de son nom par son suzerain. – Je viens de me souvenir que Gretz m’a invité à dîner, déclara calmement Darren. – Darren, fit Keynn plus doucement. Kiruna ne sait pas de quoi elle parle. Ni pour ses parents, ni pour Werven. – Je m’excuse pour le désordre. Je pense qu’il vaut mieux ne plus nous inviter tous les deux en même temps, énonça Darren. Cette fois, Keynn le laissa partir et retourna se préoccuper de Kiruna. La porte se referma derrière Darren. L’adolescent songea un instant à couper court à la soirée et rentrer chez lui. Après réflexion, le jeune homme supposa que ce n’était pas forcément une bonne idée de se retrouver seul dans l’appartement qui ne ferait que lui rappeler l’absence de son mentor. Ses pas le menèrent finalement chez Gretz qui lui ouvrit aussitôt. – Ça s’est si mal passé que ça ? s’enquit l’adulte. – Je lui ai lancé mon assiette à la figure, révéla Darren d’une voix neutre. Une expression d’étonnement traversa fugacement le visage de Gretz, cependant, ce dernier choisit de ne pas commenter. – J’étais sur le point de dîner, tu te joins à moi ? demanda Gretz. Darren acquiesça et Gretz reprit la préparation du repas en augmentant les quantités. Darren s’activa, apportant son aide avec une aisance conférée par l’habitude. Ce ne fut que lorsque les deux teknögrades s’installèrent à table que Gretz commença doucement à interroger Darren : – Donc après avoir ruiné ton repas, tu as décidé de te joindre à moi. – Je n’avais pas envie d’être seul, révéla Darren. – C’est plutôt Berkmeër que tu aurais dû aller voir dans ce cas, commenta Gretz. Il a toujours une joie de vivre qui est contagieuse. Je ne peux pas me targuer d’avoir cette qualité-ci. – Mais tu sais cuisiner, contra Darren. – Pas faux, s’amusa l’homme. – Et je n’avais pas envie de voir la vie en rose mais plutôt de manière objective, ajouta Darren. Ce n’était pas que Berkmeër était détaché de la réalité, mais il avait tendance à voir constamment le côté positif de n’importe quelle situation. Gretz attendit patiemment que Darren trouvât ses mots. – Je ne comprends pas comment Keynn peut accepter un tel comportement, lâcha finalement Darren. Dans le fond, cette incompréhension était ce qui lui tenait le plus à cœur. – Est-ce que tu sais qui est Kiruna ? lui demanda Gretz en retour. – Non, répondit Darren. Je sais qu’elle est orpheline. Et entre les sous-entendus de Keynn et ce qu’elle a révélé, je pense que ses parents étaient teknögrades de rang un. – Correct, approuva Gretz. Son père est décédé juste avant sa naissance, se sacrifiant pour Keynn personnellement. Sa mère était également teknögrade, cependant ce n’est pas en service qu’elle est décédée mais en la mettant au monde. La médecine a beau progresser, il y a des malheurs que nous ne pouvons éviter. – Donc Keynn se sent coupable et redevable envers Kiruna, déduisit Darren. Je ne comprends toujours pas pourquoi il accepte un tel comportement de sa part. – C’est un privilège qu’il lui accorde, concéda Gretz. Ses fonctions ne lui permettent pas de la voir souvent, alors il a tendance à un peu tout lui passer. Mais tu es mal placé pour faire ce genre de remarques. – Comment ça ? s’enquit Darren intrigué. – Keynn te favorise également. – Je ne… – Gamin, tu es le seul qui le tutoie. Preuve numéro une. – C’est lui qui me l’a demandé. Au début, je l’ai tutoyé parce que je ne savais pas autrement. Quand je l’ai vouvoyé par la suite, il m’a dit que je pouvais continuer de le tutoyer. – Ça n’en demeure pas moins un passe-droit. Darren ne semblait pas entièrement convaincu. – Tu pourrais lui demander n’importe quoi, je suis sûr qu’il te l’accorderait, ajouta Gretz. – Pourquoi je lui demanderais n’importe quoi ? s’étonna Darren. En réponse Gretz lui ébouriffa les cheveux. – C’est vrai que ce n’est pas ton genre, commenta l’adulte. – Ce n’est pas dangereux de pouvoir demander ce que l’on veut ? demanda Darren. – Entre Nox qui est le numéro deux de notre faction et le bien-être de l’Empire, que choisirait Keynn ? – L’Empire, répondit Darren sans hésiter. – Tu as ta réponse. Et Kiruna le sait également. Ne t’inquiète pas que sous ses airs capricieux, elle est parfaitement consciente des limites, certes lointaines. S’il y a bien une chose dont Keynn s’est assuré, c’est qu’elle ait pleinement conscience des risques associés à cette proximité avec lui et des devoirs qui lui incombent. Tu n’entendras jamais Kiruna dire à qui que ce soit qu’elle connaît personnellement l’Empereur. – Je fais confiance à Keynn, déclara ultimement Darren. |
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Mission #11 – Protecteurs L’air était sec et immobile, ce qui n’aidait en rien ma respiration haletante. Une armure formait une excellente protection, cependant elle était si lourde à porter ! Je devais vraiment investir dans une monture. Dès que j’aurais des crédits. Ce qui n’était pas gagné. J’avais déjà eu la chance de pouvoir récupérer l’armure de mon grand-père et de pouvoir la faire modifier par un ami forgeron en échange de quelques sourires et d’un baiser sur la joue. Idem pour ma hache de combat. Être aventurière n’était pas une carrière économique. J’avais grandi avec les récits de mon grand-père et avais décidé de suivre sa voie. Les débuts étaient difficiles, ce qu’il m’avait caché. Il avait dû choisir de me raconter ses plus beaux exploits et ses aventures les plus palpitantes. Ce que je comprenais tout à fait. Si un jour j’avais une descendance, je ne leur narrerai pas mes débuts pénibles et piétons. J’aurais quand même apprécié que mon grand-père fût encore de ce monde pour m’entraîner et me préparer. À la place de son expérience, j’avais sa vieille armure, sa vieille hache et mon intelligence. Cela devrait être suffisant pour les mois à venir. Je m’étais rapidement aperçu que je n’irai pas bien loin seule avec mon manque d’expérience. Des compagnons étaient donc nécessaires. J’en avais d’ailleurs besoin dans l’immédiat, étant tombée sur une situation trop complexe pour mon niveau. De plus, si je voulais lancer ma carrière d’aventurière sur de bonnes bases, je devais faire vite, ces villageois ayant urgemment besoin d’aide. Mais c’était à croire qu’il n’y avait pas un smourbiff dans la région ! Alors que j’arrivais à un col, je me fis brusquement percuter au niveau du torse, m’envoyant m’aplatir sur le dos avec violence et préjudice dans un crissement métallique. L’air quitta brusquement mes poumons tandis que le choc manquait de m’assommer, le son résonnant étrangement dans mon heaume. – Holà ! entendis-je au loin. Que s’était-il passé ? – Vous êtes blessée ? s’enquit-on soudainement juste à côté de moi. – J’crois pas, fis-je incertaine. Mon armure semblait avoir rempli son office. – Euh… réalisai-je. J’étais par contre incapable de me relever par mes propres moyens. – Je suis coincée, avouai-je embarrassée. L’inconnu, qui je le voyais maintenant était un jeune homme au visage plaisant surmonté d’une tignasse noire, me prit sous les aisselles et me redressa en position assise comme si mon armure ne pesait rien. La tête me tourna un peu. Il m’offrit sa gourde que j’acceptai avec grâce – du moins, j’espérais que ce fût avec grâce, je me sentais plutôt l’âme d’un burblobe renversé, ce qui n’avait rien d’élégant et versait plutôt dans le pathétique. – Euh… Merci, balbutiai-je. Il était vêtu d’un manteau gris de bonne facture, de solides mais raffinées broderies bordeaux y ajoutant une sympathique touche de couleur. Le reste de sa tenue était noire, de son armure de cuir souple à ses bottes en passant par son pantalon sculptant ses jambes musclées, sans oublier ses gantelets. Deux lames courtes étaient rangées de chaque côté de sa taille. Il me faisait penser à ces nouveaux princes charmants dangereux et ténébreux pour lesquels je n’avais jamais compris l’engouement de mes consœurs. À présent que l’un d’eux était face à moi… et bien je n’avais toujours pas envie de me faire séquestrer. – Je vous présente mes excuses pour la collision, déclara-t-il. – Je… euh… ça va, répondis-je avec éloquence. Il s’est passé quoi ? – Deux choses, s’éleva une nouvelle voix chaude et masculine. Nous ne vous avons pas vue et nous sommes encore en train d’essayer de dresser ce tovinga. Je me tournai vers cette nouvelle source de bruit et découvris avec stupeur un reptile aux écailles blanches se tenant sur deux puissantes pattes arrière tandis que ses deux membres antérieurs étaient plus courts mais tout aussi munis de deux grandes griffes tranchantes. Son cou court et musculeux supportait une tête massive surmontée d’une longue corne très pointue suivie d’une crête. – C’est ça un tovinga, murmurai-je admirative. – Un tovinga glacial, me confirma la seconde voix. Extrêmement rare. Habituellement, ces créatures préfèrent les zones chaudes. Mon regard s’éleva jusqu’au cavalier qui montait avec assurance cette bête féroce. Il possédait le même manteau que le prince des ténèbres cependant le reste de sa tenue était plutôt dans des teintes de bruns et de bleu outremer. Il ne semblait porter qu’une seule épée, plus longue et plus large que celles de son compagnon. Au contraire de ce dernier, ses cheveux étaient blonds, son sourire solaire et, je ne pouvais l’affirmer avec certitude d’aussi loin, mais ses iris avaient une teinte cuivrée. C’était le prince des contes classiques. – Euh… Je… Très compréhensible ! Je me donnerai bien une bonne gifle pour me remettre les idées en place. Pourquoi étais-je là déjà ? Ah oui… Ce que je pouvais être cruche parfois… – J’ai besoin de votre aide, braves guerriers. – Que s’est-il passé ? s’enquit aussitôt le brun. Bien joué ma fille, m’auto-congratulai-je. – C’est l’Empire ! déclarai-je. Le blond se raidit, ce que je n’aurais jamais remarqué si son geste n’avait pas rendu le tovinga suffisamment nerveux pour s’agiter quelque peu. – Que s’est-il passé ? réitéra le prince des ténèbres me fixant de la profondeur de ses yeux gris. Était-il un dévoreur d’âmes ? Même si ses iris indiquaient une prédilection pour le flux de l’air, il pouvait très bien préférer celui des âmes. – Ils ont pillé un village et enlevé les femmes, énonçai-je succinctement. – Allons-y, décréta-t-il. Décidément j’avais eu de la chance avec ces deux-là, ils acceptaient mes propos sans même me questionner. – Je suis arrivée après et je n’ai pu que constater, plaidai-je. Ils m’ont dit qu’ils étaient une trentaine, alors je me suis dit que toute seule je ne pourrais pas faire grand-chose. Alors je suis partie chercher de l’aide. J’étais consciente que je n’avais malheureusement pas le corps d’une femme fatale avec mon visage un peu rond et mes formes un peu plates, sans compter ma taille de farcitin, il m’était néanmoins aisé de jouer sur le côté jeune fille mignonne en détresse. Ce qui semblait fonctionner parfaitement sur ces deux preux chevaliers. – Vous avez eu la bonne réaction, me félicita-t-il et je luttai pour contenir un sourire victorieux. Je vais vous aider à monter derrière Rick, vous pourrez nous indiquer le chemin. À peine eussé-je le temps d’hocher la tête en signe d’assentiment qu’il me guidait à côté de la monture et me souleva par les hanches pour me déposer sur le tovinga, comme si mon armure et mon équipement ne pesaient rien. J’étais définitivement jalouse de sa force. – Je suis Darren, se présenta-t-il. Rick et Darren. Je me demandai si je voyagerai assise entre les deux, serrée par des bras musculeux. Malheureusement, je voyais mal ce tovinga accueillir une personne supplémentaire. – Litzie, offris-je à mon tour. Les deux hommes murmurèrent ensuite quelques mots de magie venant s’enrouler autour de Darren, puis le tovinga démarra sous une impulsion de Rick et je dus m’accrocher à lui pour ne pas basculer en arrière. Non seulement cela aurait été pitoyable, mais en plus cela aurait certainement été douloureux. La créature avalait la distance avec ses grandes foulées. Un œil sur ma droite me permettait de constater que Darren se maintenait à nos côtés sans effort apparent. – C’était quoi comme sort ? ouvris-je la discussion, élevant la voix pour me faire entendre malgré la vitesse qui bourdonnait à mes tempes. – Un sortilège de vitesse et un d’endurance, me répondit Rick. – Oh, fis-je. Et cela demande beaucoup de mana pour que vous soyez deux à lancer le sort ? Je n’y connaissais rien en magie de renforcement. Ma pratique à moi avait généralement un effet plus direct sur mes adversaires. Peut-être devrais-je m’intéresser davantage aux possibilités qu’offraient les sorts de soutien. Cependant, pour que cela fût vraiment efficace, il me faudrait un partenaire qui pût soit me renforcer, soit faire plus de dégâts que moi et que je fusse celle qui le soutînt. – Non, me répondit Rick. C’est juste que le sort de vitesse fait appel au flux de l’air tandis que celui d’endurance fait appel à celui de la terre. – Et ? Je ne voyais pas en quoi cela posait problème d’utiliser l’un puis l’autre. – Darren est nul pour l’utilisation des flux qui ne sont pas celui de l’air, rit-il. |
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– Oh. J’essaye de me concentrer sur celui de la terre, révélai-je. Même si je préfère celui du feu et que j’ai une affinité pour l’eau… – Toutes les combinaisons sont possibles, m’offrit Rick. Une prédisposition pour un flux n’exclut pas la maîtrise d’un autre. J’ai connu un prétendant à la maîtrise de l’air qui avait des iris améthyste. Son talent naturel pour l’utilisation des flux ainsi que son travail rigoureux et acharné lui ont permis de faire jeu égal avec ceux qui possédaient des iris gris. Il était même probablement plus en avance qu’eux, ne se reposant pas sur de supposées facilités. – Je ne crois pas que je serais jamais prétendante à la maîtrise de quel que flux que ce soit, commentai-je en fronçant les sourcils. – Ce n’est pas un problème en soit, me rassura-t-il. Je n’avais jamais été très douée pour la magie, tout comme mon grand-père avant moi. Il avait tracé son chemin par la force brute. Talent que je ne possédais pas. Qui semblait cependant se développer plus facilement chez moi que la magie. Le problème que cela soulevait était le développement important des muscles que cela provoquait. Ce qui signifiait que non seulement je ne développerai jamais les courbes qui font abjectement baver les hommes mais qu’en plus je perdrai mon avantage mignonnerie. Argh ! Pourquoi n’étais-je pas née avec des prédispositions pour la magie plutôt que le physique ?! Bon, autant en profiter tant que cela durerait. Et trouver des compagnons que je pourrais facilement utiliser. Mieux valait donc ne pas laisser passer cette opportunité qui commençait fort bien. – Euh… Ce n’est pas que je doute de votre talent ou quoi, hein, mais on n’est pas un peu en sous-effectif pour affronter trente brigands ? C’était à la fois de la minauderie et une assurance pour ma survie. Je cherchais des cervelles de frapatross, mais pas trop quand même. – Si ce ne sont que des pilleurs, profitant de la faiblesse de villages sans défense, ce qui est fort probable, Darren et moi n’aurons aucun souci pour les éliminer. – Et dans le cas contraire ? ne pus-je m’empêcher de m’inquiéter sérieusement. – Darren trouvera quelque chose, répondit-il mi-figue mi-raisin. – Oh… C’était un abruti ce type ou quoi ? S’il y avait un problème c’était l’autre qui trouverait une solution ? Quel était ce raisonnement complètement stupide ?! D’un côté cela m’assurait que je pourrais facilement le tenir en mains, de l’autre, je craignais pour mon espérance de vie. Bon, cela ne servait à rien de baisser les bras aussi tôt. – Comment s’appelle-t-il ? m’enquerrai-je donc soudainement, voulant relancer la conversation. – De qui ? fit Rick pris au dépourvu. – Ce tovinga, précisai-je alors. S’ils avaient une monture, ils devaient au moins être riches à défaut d’être doués. Je pouvais toujours tirer parti de quelques crédits. – Il n’a pas encore de nom, m’informa Rick. Ou est-ce une femelle… ? – Vous ne savez même pas ce que vous avez acheté ? m’étonnai-je. – Ce tovinga nous a attaqués la nuit dernière, déclara Rick. On a plus ou moins réussi à le capturer et on a plus ou moins réussi à le dompter. Il y a encore du boulot mais pour une matinée de dressage je trouve qu’on ne s’en sort pas si mal. J’étais complètement abasourdie par une telle révélation. Sentence à inverser donc, ils étaient doués, mais pas forcément riches. – Un tovinga sauvage ? Une matinée de dressage ? Je suis surprise que vous arriviez à le monter tout court. Je m’attends plutôt à ce qu’il nous jette à terre d’un moment à l’autre. Je resserrai ma prise sur Rick. Pour toute réponse, le prince de lumière se mit à rire. – Pour ce qui est du nom, on a qu’à l’appeler Tovy, hein Darren ? proposa Rick en haussant la voix. – J’avais trois ans ! lui rétorqua Darren. – Il avait un tovinga à trois ans ? m’étonnai-je devant l’absurdité de tels propos. – Non, un griffon qu’il a appelé Griff, m’informa Rick. Était-ce vraiment mieux ? – Je me demande pourquoi je t’ai raconté cette histoire, fit Darren sans animosité. Je manquai l’opportunité de m’enquérir d’un éventuel recrutement lorsque nous atteignîmes le village où une nouvelle altercation semblait avoir lieu et nous fit oublier notre conversation. Les protagonistes s’arrêtèrent cependant devant l’arrivée du puissant tovinga en ce lieu modeste. – Euh… J’ai trouvé de l’aide, coupai-je à travers le silence pesant. – Tu peux retourner jouer avec tes poupées fillette, déclara l’un des inconnus. Les foudres d’Ark’hen ont la situation en main. – Les foudres d’Ark’hen ? fit Rick avec dérision. Où êtes-vous allés chercher un nom aussi ridicule ? Faut avoir un sacré culot pour utiliser le nom de la Source de la mort comme ça. – J’te permets pas de critiquer. C’est un nom mérité. De toute façon vous vous appeler comment d’abord ? Les pleutres miséreux ? – Nous sommes les mercenaires d’Alcor, se présenta calmement Darren. À sa place, je me serais énervée. Je n’étais d’ailleurs pas à sa place, mais je sentais mon sang bouillir dans mes veines. – Jamais entendu parler, firent les autres avec moqueries. – Il est évident que les foudres d’Ark’hen ont une réputation qui dépasse les patelins du coin, railla Rick. – Cette jeune fille a indiqué que ce village requérait une aide immédiate, coupa Darren en s’adressant aux villageois. Est-ce toujours le cas ? Quand il utilisait « jeune fille » j’avais l’impression d’entendre « princesse »… Puis le poids et l’inconfort de mon armure se rappelaient à moi. – T’as pas écouté cervelle de frapatross ? Les foudres d’Ark’hen se chargent de tout. – Contre deux cent mille crédits ! s’outra un villageois. Que vous demandez en avance ! – Ce n’est pas comme si vous aviez le choix, se gaussa l’un des nouveaux mercenaires. Du coin de l’œil, j’aperçus Darren faire un petit geste de la main. Rick se mit aussitôt à murmurer. Proche de lui comme je l’étais, je n’eus aucun mal à ressentir le mana qu’il captait aux alentours. Lorsqu’il déchaina la puissance qu’il avait accumulé, un glyphe doré se dessina sous les pieds des foudres d’Ark’hen. – Ah ! Qu’est-ce que c’est ?! hurlèrent-ils de terreur. Leurs genoux ployèrent sans qu’ils pussent y opposer la moindre résistance. Puis ils tombèrent à quatre pattes. Enfin, ils girent à plat ventre. Le glyphe se modifia, prit une couleur améthyste, et des mains sortirent de terre, agrippant sans ménagement les victimes avant de les attirer dans les profondeurs. Quand tout fut fini, il restait à peine leur tête à la surface. – D’autres remarques ? fit Rick. Personne ne pipa mot. Je devais absolument intégrer leur groupe ! C’était la réussite facile assurée ! – Vers où sont-ils partis ? Depuis quand ? Combien étaient-ils ? Comment étaient-ils armés ? Qui ont-ils enlevés ? interrogea calmement Darren nullement mû par la démonstration de force de son compagnon d’armes. – Euh… Je… balbutia le chef du village avant de se ressaisir. Ils étaient une centaine, armés jusqu’aux dents. Je fronçai les sourcils, ce n’était pas ce qu’il m’avait dit. – Ils sont partis par-là, poursuivit-il en indiquant une direction du doigt. C’était il y a plus de trois heures, mais ils étaient à pied. Pour sûr qu’ils vont rejoindre la côte où un navire doit les attendre. Ils ont pillé le village, pris tout ce qui avait de la valeur. Et puis ils ont enlevé nos femmes. – Comment savez-vous qu’ils sont des partisans de l’Empire et non de simples hors-la-loi ? demanda Darren. – Ben parce qu’ils ne se sont pas cachés de leur appartenance ! cracha le chef. Maudit Lucans ! – Y avait-il des néogiciens parmi eux ? s’intéressa Darren. – Bien sûr que non ! Cette maudite engeance sait qu’elle n’est pas la bienvenue ici et qu’elle n’y trouvera que la mort si elle ne met qu’un seul orteil sur le continent d’Örn, berceau de la magie ! Le châtiment des Sources s’abattraient sur ces impies ! – Je vois, déclara calmement Darren à l’opposé de son interlocuteur. D’autres remarques ? |
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Son ton froid et les mots exacts que Rick avait déclamé juste après sa démonstration de puissance, gela les ardeurs des villageois qui s’étaient échauffés sous les propos de leur chef. – Dans ce cas allons-y, conclut Darren. Que désirez-vous faire ? – Oh ! couinai-je surprise en réalisant que c’était à moi qu’il s’adressait. Mignonne, je devais rester mignonne et concentrée. – Euh… Je peux vous accompagner ? Je ne suis pas aussi douée que vous, mais je peux faire ma part. Il ne fallait pas non plus que je passasse pour un boulet ou ils n’accepteraient jamais que je les suivisse et que je partageasse leur gloire. – Comme vous le souhaitez, fut sa réponse. Il se remit à courir tandis que Rick remettait brusquement en route le tovinga. Prise de court, je manquai de me renverser, resserrant ma prise sur Rick in extremis. Son rire chaud s’éleva en réponse à ma panique. – Vous pensez vraiment être en mesure d’affronter une centaine d’hommes ? m’enquis-je inquiète malgré le pouvoir apparent de Rick. Darren ne devait pas être en reste non plus, même s’il ne maîtrisait que la magie du vent. – Les villageois aiment bien exagérer, m’expliqua Rick. Quand vous nous avez dit trente, nous savions déjà que c’était moins. Et maintenant qu’ils nous ont dit cent, nous savons avec certitude qu’ils ne doivent pas être plus d’une dizaine. Et probablement pas si bien armé que cela. Il est évident que la protection dont dispose ces villageois est minime, puisque dans leur haine aveugle de l’Empire, tous ceux en état de se battre ont rejoint l’armée. Il y a des milices dans les plus gros villages, mais pour les petits comme celui-ci, ce ne sont que des patrouilles passant au loin. – Oh… fis-je confuse. Décidément, il me restait encore beaucoup à apprendre du monde. – Comment l’Empire a-t-il pu venir jusqu’ici ? demandai-je. – De la même manière que nous nous infiltrons chez eux, répondit Rick fataliste. Il n’y a pas suffisamment de personnes pour surveiller l’ensemble des frontières et faire la guerre et protéger et envahir. C’est aussi vrai pour l’Empire que pour nous. C’est pour cela que les aventuriers sont importants. Ils permettent de combler les lacunes que l’armée ne peut pas gérer. Ou les problèmes mineurs que l’armée ne considère pas comme essentiels mais qui le sont à l’échelle des villages. Auriez-vous croisez l’armée, ils vous auraient ignorée. Le pillage d’un village sans importance et l’enlèvement de quelques femmes ne constituent pas une priorité. – Mais c’est horrible, commentai-je. – C’est la réalité. Et c’est tout à fait compréhensible. L’armée ne peut se permettre de se détourner de ses objectifs au moindre petit problème. – Pourquoi on ne s’occupe pas d’abord de nous avant d’aller envahir les autres ? forçai-je pour tâter sa position sur la question. – Parce que vous trouvez que se couper des Sources est normal ? me demanda-t-il en retour et je sentais une certaine colère dans son timbre. – Non, bien sûr que non, m’horrifiai-je. Mais je veux dire... c’est déjà fait. Qu’est-ce que ça apporte de continuer à se battre contre eux ? Ils ont déjà tout perdu. Laissons-les dans leur coin. Ce n’est pas notre problème qu’ils se détruisent. – Sauf que ça se propage, me contra Rick. Ils continuent d’injecter des Olydriens chaque jour. – Ça reste leur choix, m’entêtai-je. Je n’avais pas envie de me retrouver coincée avec des extrémistes. – Pas la peine d’aller mourir pour ça, ajoutai-je honnêtement pour une fois. Je me demandai s’il me jetterait à bas de la monture pour mes propos. Si c’était le cas, mieux valait être fixée au plus tôt. Peu m’importait ce qu’il advenait des injectés tant qu’ils me laissaient tranquilles. Qu’ils vécussent ou qu’ils mourussent. – Contrairement à ce qu’a dit ce villageois, Lys et Ark’hen n’empêchent pas les hérétiques de mettre le pied sur Örn, répondit finalement Rick. De cela je m’en doutais, mais n’ayant jamais rencontré d’injecté, je ne pensais pas possible d’en croiser un tant que je restais sur le continent. – Les Sources nous ont laissé le libre arbitre, poursuivit Rick. Et notre choix c’est la destruction. Je ne parvenais pas à comprendre s’il souhaitait la destruction complète de nos ennemis ou s’il les prenait en pitié. Peut-être que ce type était plus complexe que ce que je pensais initialement. Cela s’annonçait compliqué pour la manipulation. Et dire qu’au village je leur faisais faire tout ce que je voulais… – Vous avez déjà rencontré des injectés ? poursuivis-je. – Oui. – Vous en avez tués ? – Oui. Wow. Je n’avais aucune idée de comment poursuivre la conversation avec des réponses pareilles. Le mercenaire ne fanfaronnait pas de son exploit, cela ne lui semblait pas douloureux pour autant, à vrai dire, il avait même une certaine indifférence sur le sujet. C’était un peu comme s’il avait fait ce qui devait être fait, une corvée et non un honneur. J’ouvris plusieurs fois la bouche pour tenter de relancer la discussion, mais je dus capituler devant mon manque d’inspiration. Pour un prince solaire, il était devenu bien sombre. Il dut bien s’écouler encore une demi-heure dans ce silence pesant. Finalement, nous aperçûmes le groupe que nous traquions. Et vice-versa. Il fallait reconnaître que si le tovinga était rapidité et puissance, la discrétion ne faisait pas partie de ses attributs. Nous étions à une telle distance que le groupe était compact et indistinct, il était impossible de déterminer qui était prisonnier et qui était armé. – Douze ennemis, énonça Darren contredisant mon commentaire. Tous masculins. Vingt-et-une femmes et neuf fillettes. J’eus confirmation que les pilleurs s’intéressaient à notre progression quand une boule de feu s’abattit sur nous. Je dus resserrer ma prise sur Rick qui fit faire un écart violent au tovinga pour éviter le projectile. Il ne ralentit pas l’allure pour autant. Trois attaques plus tard et nous fûmes sur eux. Enfin, Darren accéléra encore, devançant le tovinga de quelques secondes, lançant une courte dague qui vint se loger dans l’épaule du lanceur de sort. Ce dernier hurla de douleur avant de serrer les dents et de retirer la lame qui se retrouva fichée dans la terre. Une tache brune commença à s’étaler sur sa tunique mauve. – Rendez-vous ou mourrez, décréta simplement Darren tandis que le tovinga s’arrêtait brusquement derrière lui, lacérant la terre. – Tu es peut-être rapide Aventurier, mais vous n’êtes que trois, répondit l’un des hommes. Et je suppose que vous voulez récupérer ces femmes vivantes. Sur ces mots, il fit un signe à un autre bandit qui s’empara d’une femme et entama le geste pour l’égorger. Il ne pût jamais finir son geste. Une nouvelle dague avait jailli des mains de Darren. Et si l’homme parvint à éviter la première, il n’eut pas le temps de réagir face à la seconde. Il s’effondra dans un gargouillis de vermeil. Darren était plus que rapide. Il était capable de prévoir les actions et réactions de ses adversaires. Je me demandai si cela venait d’une faculté intellectuelle ou d’une influence sur le flux du temps. Quoi qu’il en fût, les mercenaires d’Alcor prirent cette agression pour une réponse négative et agirent en conséquence. Rick dégaina son épée et l’abattit vers les agresseurs. Le geste fut accompagné de quelques mots de magie et un immense mur de flamme se dressa sur la trajectoire de la lame, obligeant les bandits à s’esquiver précipitamment. Darren avait sorti ses deux épées et s’était élancé pour éliminer les deux hommes qui s’étaient retrouvés isolés par la manœuvre de Rick. Ce dernier avait relancé le tovinga qui finit de disperser la troupe en un bond, otages tout aussi déroutées. Je manquais de choir lamentablement de la monture. Rick me rattrapa de la main qui ne tenait pas son arme. J’ignorais si c’était une question d’équilibre précaire ou bien si le guerrier n’avait tout simplement pas autant de force que son compagnon, mais après un moment de flottement incertain, nous basculâmes tous deux du tovinga. |
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J’eus « la chance » de retomber sur le ventre et non sur le dos comme la dernière fois. Je fus donc en mesure de passer par une étape à quatre pattes pour me remettre sur les pieds après m’être remise du choc et du vide soudain de mes poumons. Pendant le moment que me prit la difficile tâche de me relever, le tovinga, encore pratiquement à l’état sauvage et à présent sans maître, s’agitait en tous sens, piétinant tout sur son passage. C’était le chaos. Je sortis ma hache, incertaine de la manière d’attaquer le problème. Les femmes tentaient de s’extraire de la mêlée sans grand succès. Les bandits cherchaient à peine à les rattraper, donnant des coups de lame ou d’autre pour leur barrer le passage. J’essayai de m’opposer à eux, mais la tâche était loin d’être aisée quand ils avaient plus d’expérience et plus de force que moi. Ma seule rédemption était le désordre ambiant et le peu d’intérêt qu’ils m’accordaient. Nous étions tous bien trop occupés à éviter le tovinga déchaîné. Le seul qui ne semblait pas perturbé, c’était Darren. Il circulait telle une tornade, se trouvant à l’autre bout du combat en un instant. La dispersion de ses efforts rendait les dégâts infligés minimes, néanmoins il parvenait à maintenir toutes les victimes en vie ce qui n’était pas une mince affaire. Puis le temps s’arrêta. Littéralement. J’étais incapable de bouger le moindre muscle. Les gens étaient devenus des statues. Parce qu’il était devant mes yeux, je pus voir que Rick était à l’origine de ce sort. Son bras droit pendait lamentablement le long de son corps et sa respiration était haletante. Il avait dû avoir moins de chance que moi en tombant. Toujours dans mon champ de vision, je vis l’homme qui s’était adressé à nous, commencé à se mouvoir, doucement puis de plus en plus vite. Le sort perdait de son influence sur lui. Rick ne bougeait pas et ne semblait pas l’avoir vu non plus. Je voulais le prévenir du danger mais j’étais complètement paralysée. Une épée se dressa silencieusement dans le dos du mercenaire. J’avais beau lutter de toute mes forces, j’étais incapable de ne serait-ce que de plier le petit doigt. Et tandis que la lame descendait inexorablement vers un funeste destin, un sifflement déchira l’air immobile. La tête du bandit roula au sol avant que son épée ne touchât terre avec fracas. Darren se dressait derrière Rick. Le brun ne prit pas le temps de se poser et fonça sur le tovinga, bondissant sur son dos. Le temps reprit son cours alors que Darren n’était pas encore assis sur la monture poursuivant sa course folle. Avec quelques difficultés, le mercenaire parvint à reprendre le contrôle de la créature qui éventra d’un coup de patte un bandit. Amochés et avec un effectif réduit, les autres pillards décidèrent de couper court au combat et de prendre leurs jambes à leurs cous. Ils détalèrent comme des grésillons. Ce fut inutile. Un orage magique les rattrapa, déchaînant une pluie d’éclairs. Il ne leur fut laissé aucune chance. Capitulez ou mourrez. Pas de demi-mesure. Darren éloigna le tovinga avant d’en descendre pour revenir vers nous, coinçant les rênes sous un rocher qu’il souleva sans peine. Il s’approcha en premier de son compagnon d’armes et examina son bras. Ce dernier ne put retenir un cri étranglé quand Darren le tâta et le manipula. Puis il tira sur les deux différentes parties du membre et il n’y eut plus rien de silencieux dans l’expression de la douleur du blond. Des larmes perlaient même au coin de ses yeux. Ce qui ne sembla pas émouvoir Darren davantage qui lui donna une potion bleutée à avaler avant de suivre avec ces propos : – Si tu as assez de réserves de mana, certaines de ces villageoises auraient besoin de soins. Rick acquiesça de la tête avant de se tourner vers les ex-otages. Darren le précédait, effectuant un premier tri. Il semblait avoir les connaissances mais pas la magie pour s’exécuter. Même pour une petite plaie. Rick n’avait de toute évidence pas exagéré en disant Darren nul pour un autre flux que celui de l’air. D’un autre côté, il excellait véritablement dans la manipulation de ce dernier. Et Rick était capable de magie extraordinaire ! Avec eux, le succès était assuré ! Il fallait absolument que je rejoignisse leur groupe. Je pourrais faire de la figuration et remporter toute la gloire. Bon, peut-être pas toute. Mais je n’avais pas besoin de l’intégralité de la victoire pour débuter. Sous couvert d’aider, et pour me donner plus de chances, je m’approchai du duo de mercenaires qui était en train de soigner une fracture ouverte. – C’est vraiment incroyable ce dont vous êtes capables, les abordai-je une fois l’opération terminée. Mieux valait ne pas déranger dans des moments pareils, s’ils me prenaient pour une enquiquineuse qui ne savait pas quand il fallait se taire, ce serait fini. – Votre renommée fera bientôt le tour de toute la Coalition. La flatterie était toujours un bon point de départ. – Non, déclara Darren me prenant de court. – Euh… Mais si, insistai-je. Ce n’est qu’une question de temps avant que vous ne soyez connus et reconnus. Peut-être que je pouvais m’occuper des relations commerciales si ce n’était pas leur truc ? Ils accomplissaient les quêtes et je m’occupais du service client… Il y avait de l’idée là-dedans. Je leur deviendrai ainsi indispensable sans prendre le moindre risque ! – Non nous ne recrutons pas, fit Darren implacablement interrompant mes rêves de gloire et de fortune. – Hein ? Mais euh, je travaillerai dur ! tentai-je de rattraper. Et je peux… Je n’eus pas le temps de finir ma phrase que Rick me coupa : – Hors de question d’avoir une femme dans l’équipe ! Il semblait révulsé à cette idée. – Que… Mais c’est complétement misogyne ! m’offusquai-je. – Peu importe le genre, nous ne recrutons personne, intervint Darren. – Bah, fit une des femmes secourues, vous avez bien raison. On ne sait jamais sur qui on tombe avec des inconnus. – Non mais vous êtes sérieuse là ? demandai-je interdite. Je vous ai sauvé la vie, vous pourriez montrer un peu plus de gratitude. – Ces jeunes hommes nous ont sauvé la vie, déclara une autre. Vous, vous leur avez compliqué la tâche. Et inutile de nier, ce n’est pas parce que vous avez semé le chaos qu’on ne s’en est pas aperçues. Non mais c’était quoi ces mégères ?! – Je peux venir moi ? demanda une petite voix. Je me tournai vers la nouvelle venue. Voilà qu’une gamine venait s’en mêler à présent. – Nous ne prenons personne, réitéra Darren. Pas même le Général Zandgravon. – Oh… soupira la petite peste déçue. Darren était un peu trop catégorique dans sa réponse et son ton ne laissait place à aucune négociation. De plus, avec tous ces gens, mon intégration était désormais morte et enterrée. Pourquoi étais-je venue les sauver déjà ? Je n’avais plus qu’à me trouver un autre groupe à présent. Inutile de perdre plus de temps ici. D’autant qu’avec ces vieilles plumosans, je n’aurais aucune part de la récompense pour sûr. J’entrepris donc de quitter les lieux. – Attendez, me rappela Darren. Avait-il changé d’avis ? Je me retournai pleine d’espoir. Cependant son regard n’était pas posé sur moi mais plus loin. Je pivotai pour voir ce qui l’avait interpelé. Néanmoins, à part la route, rien ne me sauta aux yeux. Le temps dût s’égrener un peu plus pour qu’une ligne noire apparût à l’horizon. Elle prit très vite de l’ampleur, plus large, plus haute et plus proche. Puis des points se firent un peu plus distincts. C’était une armée qui se dirigeait vers nous. Un mélange de fantassins et de cavaliers, que ce fut sur montures terrestres ou volantes. – On se fait envahir ? demandai-je effarée. J’étais dans un sacré pétrin. Comment me sortir de là ? Peu importait leur puissance, même les mercenaires d’Alcor ne pouvaient venir à bout d’une armée à eux seuls. – Ils brandissent des drapeaux de la Coalition, déclara Darren avant que la panique ne pût s’installer. Je respirai de nouveau. – Quand on parle du lopos… ajouta-t-il après un moment. Le Général Zandgravon est à leur tête. – Quoi ? s’étrangla Rick. Darren avait une sacrée vue quand même. Je distinguais à peine des taches rouges que j’imaginais être des drapeaux de notre faction. – On fait quoi ? demanda Rick d’une voix blanche. C’était à croire qu’il s’attendait à des ennuis. – Rien, répondit son compagnon. – Euh… Darren… On ne peut pas… Il faut que… – Ils nous ont repérés et envoient une avant-garde, nous informa Darren. |
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Peu de temps après, je repérai effectivement un groupe de montures volantes se détacher de l’ensemble et se diriger vers nous. Ils atterrirent suffisamment proche pour nous faire manger la poussière soulevée par les battements d’ailes de leurs créatures. Je toussai allègrement en réponse. – Que se passe-t-il ici ? demanda une guerrière sur un griffon. Elle portait une armure rutilante en étainium, son casque ne laissant paraître que des lèvres fines formant une moue déplaisante accompagnée d’yeux améthyste perçants. Une épée pendait à sa ceinture tandis qu’une lance était accrochée le long de sa monture. De toute évidence, elle était en charge. – Nous finissons le ménage après avoir déjoué un enlèvement, répondit tranquillement Darren. Cet homme savait décidément garder son flegme en toute situation. Nous autres étions complètement interdites face à cette démonstration sans effort de pouvoir. Les yeux des soldats parcoururent rapidement le terrain du regard, notant le corps sans vie des pillards et l’état moins que parfait des villageoises. Ils semblèrent en revanche passer sans me voir. – Je vois, déclara la cheffe – et je me demandais ce que Rick aurait à dire face à une femme en situation de pouvoir. Bien joué. Coalition… – Destruction ! s’élevèrent les chœurs auxquels je me joignis automatiquement. – Quels sont vos noms, braves aventuriers ? s’enquit la guerrière. – Nous sommes les mercenaires d’Alcor, répondit Darren. Un éclat de reconnaissance brilla dans le regard de la soldate. – Vraiment ? s’intéressa-t-elle soudainement. Le Général Zandgravon souhaitait justement faire votre connaissance. Helghir, prévenez-le. – À vos ordres ! salua le susnommé en donnant une impulsion à sa monture pour qu’elle redécollât. Apparemment, Darren et Rick avaient déjà atteint cette renommée que je leur prédisais. D’autant plus qu’ils n’étaient pas une large bande pouvant se faire remarquer plus facilement. Le travail individuel était toujours plus discret et de plus faible ampleur. – Ne nous avez-vous pas confondu avec un autre groupe ? interrogea Darren. Nous ne sommes que deux simples aventuriers. J’ignore ce qui aurait pu attirer l’attention du Général Zandgravon. – Ce n’est pas une erreur, affirma-t-elle. Le Général vous informera lui-même de ses raisons. – Euh… Darren… tenta une nouvelle fois Rick en chuchotant. – Il est inutile de s’inquiéter, lui assura son compagnon. À voir la tête de Rick, cela n’avait pas l’air d’être le cas. Il était extrêmement pâle et son visage était crispé. De toute évidence, une rencontre avec notre chef de faction ne lui disait rien qui vaille. Je me demandais quels démêlés il avait pu avoir avec lui pour le craindre ainsi. Était-ce un voleur ou un assassin repenti que Darren avait récupéré sous son aile ? Dans tous les cas, il me paraissait plus prudent de ne pas être associé au blond. Finalement, heureusement qu’ils ne voulaient pas de moi. Je l’avais probablement échappée belle. Puis le Général lui-même arriva. Il était impressionnant. Monté sur un dragon gris, vêtu d’une armure blanche étincelante parcourue de runes dorées, une lame d’un côté et un sceptre de l’autre, ses iris rouges laissaient transparaître une telle puissance qu’un simple regard donnait l’impression de tout embraser jusqu’à ce qu’il ne restât plus que cendres. Ses yeux s’étrécirent en se fixant sur Darren. Ce dernier avait toujours une attitude tranquille et relaxée contrastant entièrement avec Rick qui s’agrippait à son bras à s’en faire blanchir les phalanges. La prise devait être douloureuse. – Vous, fit le chef de la Coalition reconnaissant apparemment ses interlocuteurs. – Général Zandgravon, salua poliment Darren. S’ensuivit une discussion dont je ne saisis pas tous les tenants et aboutissants. – Comment est-ce possible ? demanda le Général. Que faites-vous ici au juste ? – Nous ne sommes que de simples aventuriers parcourant les chemins pour aider la Coalition où nous le pouvons, expliqua Darren. – J’en suis sûr, ricana le général. Vous commencez à gagner une certaine réputation. – Apparemment puisque vous êtes là. – Lord Dörzbach chante vos louanges. – Il fait souvent appel à nos services. – Il décrie cependant vos tarifs. – Il faut bien vivre. – Vivre, en effet… s’amusa le général. J’ai entendu dire que vous étiez capables de grands exploits magiques. – Je ne sais si cela peut être qualifié d’exploits, mais Rick a un certain talent pour la manipulation des flux en effet. Je ne peux me vanter de même. – Quels flux ? – Les huit aspects de la Vie et de la Mort. Mais il n’est expert dans aucun. – La polyvalence plutôt que la spécialisation. – Tel est son choix. – Que lui est-il arrivé ? ¬– Une mauvaise chute. Le Général descendit de sa monture et s’approcha. La poigne de Rick sembla inconcevablement se resserrer sur le bras de Darren. Étrangement, le réflexe du blond fut de se placer devant le brun, et non derrière, comme sa peur évidente aurait dû l’y conduire. Le chef de la Coalition ignora totalement Darren avec qui il avait échangé et se planta devant Rick. Des particules de mana s’accumulèrent dans sa paume qu’il appliqua sur le bras blessé du mercenaire, finissant visiblement de le guérir. Loin d’être soulagé par l’absence de douleur, Rick arborait une expression terrifiée. – En quoi pouvons-nous vous aider ? intervint Darren récupérant l’attention de l’homme de pouvoir. – En rien, trancha le général sans pour autant détourner son regard du blond. J’avais entendu parler de vous, mais vous n’êtes certainement pas le genre d’unités dont j’ai besoin pour ce genre de tâches. – Comme vous le souhaitez, s’accommoda Darren. Nous restons à votre disposition pour toute mission. – Je m’en souviendrai. Il y avait les mots qu’ils employaient et le sens de leurs paroles qui semblait complètement différé. Comme s’ils parlaient dans une autre langue ou avaient une discussion parallèle par la pensée. En tous cas, les deux hommes semblaient beaucoup s’amuser dans cet échange. Même le taciturne Darren arborait un sourire en coin. N’ayant plus rien à dire, le général ne s’attarda pas. Singulièrement, il se retourna cependant une et unique fois, contemplant les mercenaires d’Alcor. Puis son visage se durcit et il s’en fût. Ses soldats le suivirent. – C’était quoi ça ? Une fois la pression retombée, les mots s’étaient bousculés à la sortie de ma bouche sans filtre. – Le Général Zandgravon, déclara Darren ce qui ne répondait absolument pas à ma question et il le savait. Je m’apprêtais à répliquer quand une main vint fermement m’arrêter. – Il y a des choses qu’il vaut mieux ignorer, déclara une femme d’une cinquantaine d’années. Une assurance et un savoir acquis par l’âge brillait dans son regard. Elle avait une telle conviction que je ne pus que me plier. Ce qui n’éteignit pas pour autant ma curiosité. Ce qui haleta définitivement mon inquisition fut la manière dont Darren m’observait : avec attention et amusement, comme un brillargold qui jouait avec sa proie avant de la tuer. |
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Scène bonus #11 – Hé ! – Impossible ! – Vous avez-entendu la nouvelle ? – C’est pas vrai… – Il paraît que… – Je te jure que c’est vrai. – Quoi ? – C’est Gordöck qui me l’a dit. – Wow… Un murmure incrédule et spéculatif circulait d’aventurier en aventurier. – Bizarre. Tu en penses quoi Darren ? – Qu’un événement important est survenu, répondit le susnommé. Trouver des informations ne sera guère compliqué. Viens. Son compagnon d’armes lui emboita le pas pour rejoindre le groupe le plus proche. – Que se passe-t-il ? demanda Darren sans préambule. – Vous n’avez pas entendu ? s’étonna une archère. – Le Général Zandgravon est mort, révéla un mage. – Quoi ?! s’étrangla le compagnon de Darren. – Comment est-ce arrivé ? s’enquit Darren avec une pointe de curiosité. – Trois Seigneurs de guerre se sont alliés pour le renverser, expliqua l’archère. Ils n’étaient pas d’accord avec sa politique et ont décidé de prendre la tête de la Coalition. Ils se font appeler le Triumvirat Suprême. – Ça va être génial ! s’excita un assassin. Trois Seigneurs de guerre pour trois fois plus de dégâts ! – Ce n’est pas parce qu’il y a trois dirigeants au lieu d’un que les troupes se sont également multipliées, fit remarquer Darren. Quelqu’un connaît leur ligne de conduite ? – Il parait qu’ils vont lancer une gigantesque offensive et rayer l’Empire d’Olydri, se réjouit une guerrière. – Impossible, la contra Darren. Si c’était si simple, il y a longtemps que le problème aurait été réglé. Quelqu’un a de vraies informations ? – J’ai entendu qu’ils allaient conclure une alliance avec les Gagnetoriths, introduisit le mage. – Bah, tout le monde sait que la confédération marchande restera neutre, fit l’archère. Tout ce qui compte pour eux c’est le profit. À moins d’avoir une certitude absolue qu’il ne restera pas une miette de l’Empire, ils ne leur tourneront jamais le dos. – Moi j’ai entendu que le Triumvirat avait trouvé une relique Keosama dans les mines d’Etermine et que c’était grâce à ça qu’ils avaient renversé le Général Zandgravon, déclara un paladin. – Pourquoi partager la relique en trois ? fit un guerrier sceptique. – Peut-être qu’il faut être trois pour l’utiliser, avança le paladin. Ou qu’il faut la puissance de trois Seigneurs de guerre. – Ça ne m’a pas l’air pratique du tout ça, commenta l’archère. – Bah, eux ou le Général Zandgravon, ça ne va pas changer grand-chose, fit le guerrier fataliste. Des siècles qu’on est en guerre contre l’Empire, et pas un de nos dirigeants n’a été capable de réaliser une véritable avancée. Je vous le dis, moi, on n’est pas près de voir la chute de l’Empire. – Ce que tu es pessimiste, soupira le paladin. – Tu veux dire réaliste, répliqua-t-il. Je te ferais remarquer qu’on… Hé, il a pas l’air bien ton copain. Toute l’attention se porta sur le guerrier dont le visage était blafard et la respiration sifflante. – Rick ? s’enquit Darren en se plaçant face à lui. – Il est… mort ? souffla Rick d’une voix faible. – Quoi, il avait pris le Général Zandgravon comme idole et maintenant il est déçu ? se désintéressa l’assassin. Il était cool, mais clairement, s’il n’a pas survécu, c’est qu’il n’avait pas le niveau. – Ça m’a l’air d’être un peu plus que de la déception, se moqua le paladin. – J’aurais plutôt employé anéanti, rit l’archère. – Allez viens Rick, décida Darren. – Hé ! Vous avez entendu la nouvelle ? Parait que le Général Zandgravon est mort ! déclara un nouvel élémentaliste surexcité. Darren plaça un bras derrière les épaules de son compagnon d’armes pour le faire avancer. Cependant, malgré la légère pression, les pieds de Rick semblaient plantés dans le sol. – Il est… mort ? répéta Rick toujours aussi hébété. – Quoi, tu n’étais pas au courant ? fit l’élémentaliste. Il paraît que c’est un Triumvirat maintenant ! – Rick, insista Darren en renforçant la pression qu’il exerçait sur le jeune homme. – Mon père est mort ? lâcha finalement Rick. Le silence qui suivit sa déclaration fût catatonique. Tous les regards étaient braqués sur lui. – Wow… émit finalement l’assassin. – C’est vrai que j’ai entendu qu’il avait un fils, acquiesça l’archère. C’était quoi son nom déjà ? Ah oui… Almerick Zandgravon ! – Sérieux ? Tu es vraiment le fils du Général Zandgravon ? s’intéressa l’élémentaliste. Tu vas faire quoi ? Tu vas le venger ? Tu vas reprendre le pouvoir ? Mais le fils du défunt dirigeant était dans un tel état de choc qu’il n’entendait plus rien autour de lui. – Hé mais ce sont les mercenaires d’Alcor ! s’intégra un nouveau venu répondant au nom de Helnard. Quoi de neuf ? La nouvelle du décès du Général Zandgravon a dû vous parvenir, informés comme vous l’êtes. Pas que ça change grand-chose au train-train quotidien. Vous auriez pas besoin de main d’œuvre pour une quête des fois ? Tiens, il y a un problème avec Rick ? – Ouais ! s’enthousiasma l’assassin. C’est Almerick Zandgravon, le fils du Général ! Sa voix avait parfaitement porté, si bien que plusieurs aventuriers se retournèrent avec intérêt. – Sérieux ?! s’exclama Helnard. Wow ! Ça explique le niveau je suppose… Et du coup Darren tu es son garde du corps ? Vous allez faire quoi maintenant ? Devant les regards insistants de l’ensemble des présents et comme il ne parvenait pas à faire mouvoir Rick, Darren prit la décision unilatérale de saisir son compagnon d’armes et de le prendre sur ses épaules. Le mercenaire avait conscience que la situation pouvait rapidement dégénérer et qu’il était nécessaire de s’en extirper au plus vite. – Hé ! Tu vas où comme ça ?! s’éleva une voix. – Ouais, si c’est le fils du Général Zandgravon, y a moyen que le Triumvirat paye cher pour sa capture ! Un murmure approbateur suivit. – Faudrait pas mieux miser sur lui pour le futur ? Y a aussi moyen qu’il prenne la tête de la Coalition un jour après tout. La foule se fit contradictoire. Darren continua prudemment de s’éloigner avec sa charge. – Beaucoup trop de peut-être ! – Ouais, on est plus sûr d’avoir une récompense maintenant ! – Je suis pas du genre à parier sur des chances foireuses ! – Qu’est-ce tu racontes, tu paries toujours sur de la merde ! – Ouais, c’est comme ça que tu as perdu nos montures ! – C’était un risque calculé ! – Ben tu t’es quand même bien planté ! – Ouais, sans parler de… – Oh ! Allez laver votre linge sale ailleurs ! – Pas si vite mercenaire ! Où crois-tu aller comme ça ? – Laisse-nous Zandgravon et on te laissera partir ! – Bah, je vais faire la cueillette moi-même ! Ce dernier interlocuteur tomba aussitôt raide mort. – Quoi ?! fusèrent les cris de surprise. – Il s’est passé quoi ?! Ce ne fut que lorsque de l’écarlate commença à se répandre au sol que les témoins comprirent qu’un couteau était venu se plonger dans la gorge du trépassé. L’attention se reporta de nouveau sur Darren qui avait poursuivi son chemin. – Si vous tenez à la vie vous ne nous suivrez pas, déclara le susnommé avec froideur. – Tu es tout seul et on est une quarantaine, fit remarquer l’archère. – Peut-être que je ne pourrais pas tous vous tuer, admit Darren. Mais j’en emporterai plus de la moitié. À vous de voir si vous voulez prendre le risque de ne pas survivre. – Euh… paniqua Helnard. Moi je prends pas le risque. J’ai déjà vu ce gars se battre, il est super dangereux. – Sérieux, insista son compagnon Sötze, il a vaincu un dragon de fosphörgos à lui tout seul ! Darren profita du murmure incrédule pour prendre un départ définitif, accélérant soudainement. Pour les aventuriers restés médusés, il n’y eut qu’un nuage de poussière qui retombait lentement pour signaler cette abrupte disparition des mercenaires d’Alcor dont la Coalition ne vit plus jamais l’ombre. |
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