Avertissement : cet Omega s’lâche ne traitera pas de Saint Seiya…Merci pour votre attention.

Pour les personnes vivant recluses dans les grottes de Lascaux, ou tout simplement ceux qui s’en foutent, ce mercredi est sorti 50 nuances de Grey. L’adaptation de ce best-seller dans les salles obscures est considérée comme l’évènement cinématographique majeur de ce début d’année. C’est dire…vivement le prochain Avengers.
Alors mettons tout de suite les choses au point : je n’ai pas vu ce film (à l’heure où j’écris cet article, et je pense que ce sera statut quo dans 12 ans) et je n’ai pas lu les bouquins. Mais alors me direz-vous, comment puis-je me permettre de juger ? Ce n’est pas tant le film qui m’intéresse mais le contexte. J’ai pris la peine de me documenter et l’histoire de cette licence est assez savoureuse, mais très contradictoire. Ce sera le propos de mon article.
Plus simplement, j’avais envie de réagir au phénomène médiatique de la semaine, et j’espère avoir le temps de le faire plus régulièrement.
Et voyez le bon côté des choses, n’ayant pas vu le film, cet article est garanti 0% spoil. En même temps, cela n’a pas l’air d’être le scénario de Fight Club.

Au commencement, il y avait Twilight…

Avant de devenir un best-seller de renommée mondiale, 50 nuances de Grey est un fanfic intitulée Master of the universe, publiée par l’auteur E.L. JAMES, sous le pseudonyme de Snowqueen’s Icedragon, sur le site internet the writer’s coffee shop. Et figurez que ce fan fiction ne racontait pas les aventures de Musclor, mais bien de Bella SWAN et Edward CULLEN.
E.L JAMES est une fan de Twilight, mais comme la mormone Stephenie MEYER n’allait pas assez loin dans les ébats amoureux de notre couple de vampires, elle opta pour une approche plus érotique. En gros, elle allait nous donner tout ce que nous ne voyons pas.
Et figurez-vous qu’elle a eu du succès ! Comme quoi le sexe fait vendre…hein, qui l’eut cru !?
Le vampire Edward CULLEN devient l’homme d’affaire Christian GREY, sa muse Bella SWAN devient l’étudiante en littérature Anastacia STEELE et à partir de là, terminés les bisous sur la bouche façon CM2 et autre ébats amoureux en missionnaire uniquement (et dans le noir), bonjour les pratiques sadomasochistes, la soumission, l’utilisation d’objets et la sodomie (le meilleur pour la fin).
Comme quoi, vous prenez Twilight, vous y enlevez ses vampires style boule à facette disco, et bien ça intéresse tout autant le public. Mais alors où était l’intérêt de Twilight ? N’était-ce pas plutôt cette romance mystérieuse entre une jeune fille pure et innocente et un garçon ténébreux aux pratiques mystérieuses et secrètes ? Je pense que c’est réellement ce schéma qui attirait, donc on le réutilise.

Ce n’est pas le pantin qui est amusant, mais la façon dont lui tire ses ficelles.

Nous avons eu Roméo et Juliette, Scarlett et Rhett, Bonnie et Clyde, Jack et Rose, Bébé et Johnny, Trinity et Néo (pour eux deux je me suis fait un petit plaisir), Bella et Edward… Le public est sans cesse en quête de sa love story du moment. Pas de panique, puisque voilà Anastacia et Christian.

Le retour du film érotique au cinéma ?

A partir de là, tous les fantasmes étaient permis. Car qui dit best-seller, dit maintenant grosse production cinématographique (étant donné que tous les scénaristes talentueux se sont barrés sur les séries). On savait depuis longtemps que 50 nuances de Grey était destiné à finir dans une salle obscure, mais comment ? Là se posait un véritable problème (éthique ?).
J’ai eu des retours sur le roman, et je l’ai moi-même feuilleté. C’est cru… nous ne sommes pas dans la suggestion, nous sommes bel et bien dans l’action pure, celle qui est assumée et qui ne s’en cache pas, au contraire. Et fort de ce qui a été énoncé précédemment, il s’agit même du fonds de commerce de cet ouvrage : une sexualité débridée, évoquant les pratiques dites marginales ou déviantes, clairement à l’opposé de la relation initialement chaste et vertueuse de Bella et Edward.
De ce fait, comment la transposer au cinéma tout en étant politiquement correct ? Comment ne pas choquer le plus grand nombre en parlant de sodomie et de soumission ?
Et c’est là que je me dresse face à vous, le poing levé, pourquoi ne pas choquer justement ?

Pourquoi ne pas sortir un vrai film « coup de poing » (que vous introduirez où vous voudrez) ?

Je fais un petit parallèle historico-érotico-CULturel, en 1974, sortait dans nos salles françaises le film Emmanuelle, un film érotique qui réunit alors 9 millions de français. Une véritable révolution ! Le genre érotique devînt alors populaire, et une série de films suivirent ce dernier (avec beaucoup moins de succès). Bon après il faut tempérer le propos, certes le principal sujet du film était le sexe et la majorité des scènes illustraient des débats amoureux, mais on était quand même loin du film X de Canal Plus du premier samedi du mois. Mais tout de même, l’anatomie de feu Sylvia KRISTEL n’avait plus aucun secret pour les spectateurs.

Et là, 41 ans plus tard, 50 nuances de Grey ! Le digne héritier d’Emmanuelle, le retour de l’érotisme dans les salles. Une bande-annonce muy caliente, qui en dévoile un peu mais pas trop, une musique sensuelle, des gémissements… on va pouvoir aller se rincer l’œil au cinéma à défaut de trouver l’histoire passionnante !

Et bien non…

Le film sort, le verdict tombe : interdit au moins de 12 ans…

Ce n’est pas assez ! Foutez-moi les collégiens dehors !!!

Une bonne douche froide

Mettons les choses au clair, n’allez pas vous dire « Zell il est deg, il comptait se pougner sur 50 nuances de Grey », ce n’est pas ça le souci. Je trouve simplement dommage d’être passé à côté d’une mini-révolution. L’occasion de réintroduire un genre perdu au cinéma (les films érotiques ne passent même plus sur M6), de libérer des mœurs trop bridées à mon goût, de mettre en lumière des pratiques jugées obscures… Ce film pouvait être le porte-parole d’une génération libéréééééééééée, délivréééééééééée, qui ne mentira plus jamais !!! (et oui, quoi de mieux que Disney pour étayer mon propos).
Faire passer 50 nuances de Grey au cinéma pour une simple romance épicée, c’est un peu comme si on faisait un film sur Mortal Kombat sans tourner de scènes de combats (Comment ça il y a déjà eu un film Mortal Kombat ? Jamais entendu parler…). Nous nous écartons du propos tenu dans le matériel d’origine.
Et tout ça pour quoi ? Pour plaire au plus grand nombre ? Faire un maximum d’entrées ?

En gros, je commande une bière, on me sert un panaché…

Je suis le premier à défendre les adaptations de bouquins au cinéma. Les réalisateurs, ici Sam TAYLOR-WOOD, ne sont pas de simples techniciens mais de vrais créatifs, qui ont parfaitement le droit de donner leur vision de l’histoire, sans paraphraser bêtement un bouquin écrit par un autre créatif (qui a cédé ses droits, je préfère le préciser, donc qui peut s’attendre à un non-respect de sa création).
Je n’accable pas ce réalisateur pour le film, car je suis certain qu’il a répondu à une commande, les producteurs lui ont précisé que le film ne devait pas être tout public, mais presque…
Mais ce message s’adresse aux personnes derrière le projet 50 nuances de Grey au cinéma : quel dommage ! Pourquoi vous n’avez pas posé vos balls sur la table ? Pourquoi vous n’avez pas brisé les codes ? Mais surprenez-nous bon sang !!! Arrêtez de nous servir une énième romance trop lisse, on veut du cru, du sale, de l’indécent, du dérangeant, on veut s’évader, même dans le sexe !
Sans vouloir faire de la sexologie de comptoir (un nouveau concept vient de tomber), tout le monde peut se retrouver dans les pratiques évoquées dans le film, et à mon avis bien plus qu’on le croit… C’était l’occasion de se réunir autour d’un film et d’en parler.
Tant pis…ce sera pour une prochaine fois (ou pas).

Monsieur Grey va-t-il me recevoir ?

Je dois avouer que sa secrétaire m’a un peu refroidi… Elle portait un pantalon rayé, un pull à pois et un col roulé.
Cependant, je tiens à dire que la bande-annonce m’a plu, la musique de Beyonce m’a plu, l’affiche du film m’a également plu.
Je suis déçu avant même d’avoir vu le film, car je pense qu’il n’apportera rien, si ce n’est un nouveau couple dans le panthéon déjà bien fourni du cinéma.
Mais étant donné que ce n’est pas ma femme qui me poussera à voir ce film, peut être que ma curiosité le fera…
J’attends également les retours de Fabien, qui guident régulièrement mes choix en matière de cinéma